Dans un monde du travail de plus en plus complexe, l’auteure propose aux gestionnaires et aux employés d’appréhender leur contexte autrement. Elle y instille l’idée de puiser dans le pouvoir évocateur de l’odorat pour se propulser comme individu ou comme collectif vers l’atteinte de nos objectifs. Ce sens permet un puissant alignement entre le cœur, le corps et la tête pour focaliser sur l’essentiel et faire des choix sensés (et sentis !).

 

INTRODUCTION

Certaines odeurs ont le pouvoir incroyable de nous replonger rapidement dans des univers peuplés de souvenirs et d’émotions. Le parfum de bord de mer associé aux vacances estivales par exemple, ou encore les effluves de tarte aux pommes ou de tourtières qui évoquent pour plusieurs les festivités de Noël. Et votre milieu de travail, quelle est son odeur et qu’est-ce qu’elle génère chez vous en termes de pensées, d’émotions, de ressentis, de souvenirs ?

Ma proposition avec cet article : faire une pause pour explorer votre contexte de travail autrement, que vous soyez dirigeant d’entreprise, gestionnaire ou employé et voir ce que ceci vous inspire comme actions concrètes.

 

I– SE FIER À SON NEZ

Sumantra Ghoshal, ancien professeur en gestion à la London Business School, penseur, auteur et théoricien, a livré il y a plusieurs années, un discours inspirant au World Economic Forum sur ce qu’il nomme « smell of the place »1. Il y décrit comment les pratiques de gestion qui règnent dans une organisation contribuent, ou non, à créer un contexte (une odeur) riche et favorable à la pleine contribution des individus. Si on y est attentif, cette odeur serait présente dès que l’on pose les pieds dans un milieu. Est-ce une odeur de confiance et de soutien ou encore de contrôle et de peur ? Une odeur qui favorise l’autonomie et incite au dépassement de soi ou plus limitante ?

Cette façon d’appréhender un contexte de travail m’apparaît intéressante, autant pour les leaders en quête d’évolution pour leur organisation que pour un employé en quête de bien-être professionnel. L’odeur fait appel à autre chose qu’à notre rationnel pour « sentir » ce qui est juste pour soi ou pour le bien commun. Or, nos modèles mentaux nous amènent trop souvent à chasser du revers de la main cet « instinct » pour se fier presque uniquement à des critères d’ordre rationnel. Ceci peut nous amener à rester dans un environnement de travail toxique, parce que les conditions de travail et les avantages sont bons, à ne pas oser proposer de nouvelles initiatives comme gestionnaire, bref, à ne pas oser nous fier à notre nez. Comment adopter de nouveaux réflexes ? Voici des pistes.

 

II– PISTES POUR FAIRE PROGRESSER UN COLLECTIF

Pour les leaders inspirés par cette analogie, voici quelques pistes pour nourrir votre réflexion et faire progresser votre organisation : quelle est l’odeur de votre organisation actuellement ? Quand on franchit la porte, même avant d’y poser le pied, qu’est-ce que vous voulez évoquer spontanément pour vos employés, vos clients, vos fournisseurs, vos collaborateurs ? Est-ce que cette odeur flotte ou non dans l’air actuellement ? Si oui, comment miser encore plus sur celle-ci pour faire évoluer, progresser l’organisation ? Sinon, qu’est-ce que vous pourriez entreprendre comme action afin de vous rapprocher de cette palette d’odeur alignée avec votre source ?

 

III– PISTES POUR SE DÉPLOYER COMME INDIVIDU

Voyons maintenant quelques pistes de réflexion pour l’individu. Ainsi, la personne en réflexion professionnelle peut se servir de cette analogie pour aborder sa situation d’une autre façon, pour se sortir d’une impasse et avoir le courage d’oser… suivre son « pif » ! Des questions simples comme : est-ce que j’aime l’odeur qui règne dans mon milieu de travail actuel ? Est-ce que ce parfum ambiant me permet de libérer toute mon essence (mes talents, mes forces) pour rayonner ? Est-il assez riche pour m’aider à devenir ce que je souhaite devenir ? Sinon, quelle odeur m’inspire et vient chercher le meilleur de moi ? Quelle odeur aurais-je le goût de humer, jour après jour ? Que puis-je amorcer ou amplifier comme action concrète pour y contribuer activement ?

Dans une rencontre exploratoire avec une personne dans votre démarche de changement d’emploi par exemple, pourquoi ne pas demander à votre interlocuteur « quelle est l’odeur de votre entreprise » (ou encore l’odeur du secteur ou du marché, par exemple). Un échange authentique risque d’avoir lieu.

 

IV– L’ODEUR DE LA CORESPONSABILITÉ

Dans une perspective de leadership partagé, employés et gestionnaires sont coresponsables de faire que l’odeur présente dans une entreprise soit positive et ne se volatilise pas. Le leadership n’est-il pas, après tout, « la place que nous prenons dans le monde et comment nous la prenons » ?2 Si on adhère à cette vision du leadership, la question serait donc de voir comment chacun de nous peut donner à son milieu de travail encore plus de riches nuances. Il y a fort à parier qu’on donnera ainsi aux autres le goût de nous suivre, de travailler ENSEMBLE, et ce, peu importe notre fonction. Que faites-vous tous les jours, pour nourrir l’odeur de votre milieu de travail ou la modifier, une petite bouffée à la fois ?

 

CONCLUSION

Faire une pause pour réfléchir à l’odeur de son milieu de travail suggère de nous appuyer sur notre cœur et notre corps dans nos réflexions professionnelles, plutôt qu’uniquement sur notre tête (le rationnel). Ainsi, que l’on se questionne sur notre emploi actuel, que l’on soit en recherche d’emploi ou encore comme leader dirigeant ou leader au sens large, désireux de créer un contexte favorable à la pleine contribution de chacun, soyons à l’affût ce que l’on peut poser comme action pour vivre dans un milieu où il fait bon respirer à pleins poumons.

 

1 .Guylaine CARLE, M.Ps., psychologue organisationnelle et coach stratégique. Pour consulter le discours de Sumantra Ghoshal (en anglais) : CLIQUER ICI 

2.Johanne Landry, 2018. 

 

© Tous droits réservés. Ce texte a été créé et rédigé par Guylaine Carle, Psychologue organisationnelle. Si vous souhaitez le partager, nous vous demandons de le publier dans son intégralité et en totalité, en citant sa source.