Une qualité essentielle recherchée autant chez l’athlète olympique que chez l’athlète d’entreprise est la capacité à faire preuve de courage, surtout en période d’instabilité ou de transformation, qu’elle soit individuelle ou collective. Qu’est-ce que ça veut dire et comment utiliser le courage ? L’approche des 5P propose des pistes pour aller dans des zones qui nous sortent de notre confort pour avoir l’audace de passer à l’action, que ce soit, par exemple, oser avoir une conversation difficile, annoncer une décision importante ou encore oser confronter quelqu’un face à un comportement inacceptable. Des actions du quotidien qui insufflent du plaisir et du sens au travail.

 

Le 14 février 2010, Alexandre Bilodeau, skieur acrobatique, a remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques d’hiver de Vancouver. À ce moment, il est devenu le premier Canadien à gagner une médaille d’or lors de Jeux olympiques tenus en sol canadien. Ce qui l’a propulsé vers son succès, dit-il, c’est son frère Frédérick, atteint de paralysie cérébrale. Il lui a permis de trouver la détermination et le courage de réaliser cet exploit.

Plus récemment, aux Olympiques de PyeongChang en Corée du Sud, Justine Dufour Lapointe est devenue double médaillée olympique, et ce, malgré une période de préparation parsemée de difficultés. Sa mère avait lutté contre un cancer au cours de la dernière année. Une des clés de sa réussite est d’avoir décidé de contrôler le parcours, d’en faire ce qu’elle voulait : « J’ai prouvé à tout le monde que c’est moi qui décide à tous les jours de me mettre en selle et de skier pour moi»[1].

D’autres histoires d’athlètes olympiques témoignent de ce courage, voire de cette audace de décider et, surtout, d’agir, afin de se propulser vers le podium. Le courage est une caractéristique recherchée non seulement chez les athlètes olympiques, mais également chez les gestionnaires et les employés, au quotidien. Le courage est un élément essentiel à la vie professionnelle, surtout en période d’instabilité ou de transformation, qu’elle soit individuelle ou collective.

Comment passer le cap de la prise de décision et passer à l’action ? Dans l’univers du milieu du travail qui se complexifie, c’est une approche d’une simplicité sidérante que nous vous proposons : les 5P. Les quoi ? Les 5 P, soit le Prochain Petit Pas Positif Possible. Et pour s’y rendre, trois étapes clés.

 

I– QU’EST-CE QU’UNE ACTION COURAGEUSE ?

Avant de définir les étapes vers les 5P, commençons par démystifier ce qu’est une action courageuse. On ne parle pas ici de gestes héroïques ou extraordinaires, mais bien de gestes qui font naître des peurs, qui exigent ce petit quelque chose qui nous donne parfois envie de remettre à demain.

Des exemples issus de ma pratique : un dirigeant d’entreprise qui doit donner une rétroaction difficile à un employé-clé. Une employée de retour d’un épuisement professionnel qui a avantage à mettre des limites et à oser s’affirmer en demandant des adaptations du milieu de travail. Un employé qui ressent le besoin de changer d’emploi après plusieurs années au sein de la même entreprise. Une professionnelle qui a perdu son emploi et qui veut retourner aux études. Une leader qui doit mettre en oeuvre un projet d’envergure qu’elle sait impopulaire auprès de son équipe. Autant d’actions à entreprendre… un prochain petit pas positif possible à la fois.

 

II– TROIS ÉTAPES CLÉS

Revenons à l’analogie des athlètes, car ne sommes-nous pas, à bien des égards, des athlètes d’entreprise [2] de par la performance que nous devons livrer, quotidiennement ?

Ainsi, sur quoi un athlète professionnel se concentre-t-il en premier ? Il se concentre en premier sur ce qu’il a à l’intérieur de lui, il entre dans un état de concentration. Il « entre dans sa zone ». Il dirige ensuite toute son attention sur l’environnement qui l’entoure, puis sur ce qu’il doit faire.

Appliquons cette analogie au milieu de travail.

 

III– ENTRER DANS « SA ZONE »

Entrer dans sa zone pour agir avec courage au travail, c’est tout d’abord d’être à l’écoute de soi et s’aligner :

  • Que me dit ma tête (le rationnel) par rapport à la situation qui appelle une action courageuse ? Quelles sont mes peurs, mes croyances ? Quelles sont mes forces et quels sont les talents qui m’aideraient à agir dans la situation ?
  • Que me dit mon coeur (l’émotionnel) ? Quelles sont mes valeurs, mes intentions, mes intuitions ?
  • Que me dit mon corps (le physique) ? Quels signaux me transmet-il face à la situation?

Ainsi, les peurs, qui se pointent souvent le bout du nez quand on fait le « scan » de nos pensées, de ce que notre tête nous dit, font bien sûr partie de l’équation. Elles ont leur place. Encore faut-il qu’elles ne prennent pas toute la place, mais bien leur juste place. Comment y parvenir ? Les voir, les observer, sans jugement, et se dire, avec optimisme et une pointe de défi : et si je pouvais choisir d’aller vers ce qui est important pour moi, même en présence de peurs ? Cette étape permet de poser un regard lucide et bienveillant sur soi et de garder l’élan, l’erre d’aller qui nous permettra d’agir.

 

IV– JAUGER L’ENVIRONNEMENT

Ensuite, on prend conscience du contexte. Quels sont les freins, les enjeux, les risques et les opportunités extérieures en présence ? La notion du bien commun peut entrer en ligne de compte à cette étape. Je m’explique. Comme leader ou même comme employé d’une organisation, il est essentiel de réfléchir à l’impact d’une action sur soi et sur l’équipe et l’organisation. La situation appelle peut-être à s’effacer en quelque sorte pour le bien de la collectivité en faisant preuve d’humilité. Plus nous prenons conscience de l’impact que nos actions ont sur « le bien commun », plus il peut être facile d’oser prendre des risques, de se dépasser, d’aller au-delà de nos peurs pour un intérêt supérieur au risque, parfois, de mettre ses propres intérêts en péril.

 

V– FAIRE

Une fois qu’on s’est aligné et qu’on a pris le pouls du contexte, c’est le temps de se propulser, de sauter du tremplin, de dévaler la pente. Choisir et agir avec courage est donc un alignement entre être et faire. C’est d’une puissance inouïe. C’est une voie vers la satisfaction de soi, car l’accomplissement de gestes courageux, le fait de faire, même en présence de peurs est hautement valorisant. Ça insuffle du plaisir et du sens. C’est comme monter sur un podium chaque fois ! Et la médaille que l’on reçoit provient d’abord et avant tout de la reconnaissance ou de la motivation intrinsèque que ça procure de passer à l’action tout en étant aligné avec ce qui est important pour soi.

Les 5P sont fort utiles à cette étape : quel est mon prochain petit pas positif possible aujourd’hui ? Et on répète, jour après jour. On fait une routine de ce 5P au service de son objectif, de son projet.

Voici quelques illustrations de 5P, selon les exemples mentionnés plus haut.

  • Le dirigeant d’entreprise qui doit donner une rétroaction difficile pourra choisir de bloquer du temps à son agenda pour se préparer.
  • L’employé de retour d’un épuisement professionnel identifiera ses limites et ses besoins.
  • L’employé qui ressent le besoin de changer d’emploi voudra peut-être prendre quelques minutes chaque jour pour sa démarche.
  • Le professionnel qui a perdu son emploi et qui veut retourner aux études commencera par se reconnecter avec ses intérêts et ses talents.
  • Un leader qui doit mettre en oeuvre un projet qu’il sait impopulaire auprès de son équipe voudra former un groupe de travail pour impliquer ses employés.

 

CONCLUSION

Les 5P suggèrent de construire notre futur avec lucidité et optimisme, avec conscience et bienveillance, avec audace et humilité. Exit la pression de performance qui est trop souvent paralysante. Les 5P suggèrent plutôt d’insuffler une action constructive et à notre portée, dans notre quotidien. Pour y parvenir, on entre dans « sa zone » pour s’aligner, on jauge l’environnement, puis on fait le Prochain Petit Pas Positif Possible. Ainsi, on garde le cap sur une vie professionnelle riche de sens dans laquelle on peut vivre une saine performance. Et vous, quel sera votre PPPPP pour oser agir, même en présence de peurs ?

 

[1] Justine Dufour-Lapointe, sur les ondes de Radio-Canada, la journée de son podium.

[2] A. GOUDSMET, L’Athlète d’entreprise, Bruxelles, Kluwer, 2002.

 

© Tous droits réservés. Ce texte a été créé et rédigé par Guylaine Carle, Psychologue organisationnelle. Si vous souhaitez le partager, nous vous demandons de le publier dans son intégralité et en totalité, en citant sa source.