Comment enrichir les relations en milieu de travail, les faire progresser et évoluer afin de favoriser l’atteinte des résultats, voire la puissance organisationnelle ? L’auteure propose ici l’analyse transactionnelle (AT) comme outil de compréhension de certains enjeux relationnels en entreprise. Elle se sert également de l’AT comme levier de transformation en proposant des pistes permettant de déployer son plein potentiel dans le cadre de relations coresponsables. Le triangle des 3P (puissance, permissions, protections) y est présenté.

 INTRODUCTION

Avez-vous déjà ressenti une impression de « déjà vu » dans une relation insatisfaisante et énergivore avec un patron, un collègue ou un de vos employés ? Des relations qui « étirent » votre élastique intérieur, qui « pèsent » sur votre bouton ? Un peu comme si vous aviez déjà vécu ce type de relation dans le passé, à la manière de Bill Murray dans le film « Le jour de la marmotte » pour qui la même journée se répète, jour après jour après jour ?
Je vous propose ici une grille de lecture de ce qui se joue peut-être pour vous dans ces relations et, surtout, comment vous sortir de ces jeux pour vous propulser vers des relations plus puissantes et qui vous permettent de déployer votre potentiel… et celui de l’autre. En d’autres mots, je vous propose des pistes pour « donner du lousse » à vos relations en milieu de travail !

 

I– CE QUI SE JOUE
Selon l’analyse transactionnelle (AT), une théorie de la personnalité, des rapports sociaux et de la communication, on peut appeler « jeux psychologiques » ce type d’interaction qui contribue à décharger nos batteries (émotionnelles, mentales et/ou physiques).
On entend par jeux psychologiques les échanges qu’on a avec les autres qui ne sont pas gagnant-gagnant ou, en d’autres termes, des interactions dans lesquelles on sent un déséquilibre. Les résultats de ses jeux sont souvent la dévalorisation, l’évitement, la non-action. Quand on reste trop longtemps dans ces jeux, ça provoque des conflits, la dépression, l’épuisement…

Selon le triangle de Karpman, il y aurait trois rôles principaux dans les jeux psychologiques. Selon les relations et les situations, on se retrouve principalement dans une posture de victime, de sauveur ou de bourreau. L’autre personne occupe un des autres rôles. La victime ne se sent pas à la hauteur, ce n’est pas sa faute, elle n’ose pas faire de demandes claires. Le sauveur est un super-héros, il aide sans qu’on le lui demande, ou aide en faisant plus de 50 % du travail. Le bourreau impose des normes excessives, donne des règles imprécises, voit le verre à moitié vide. Les rôles bougent dans une même interaction (on peut passer de victime à sauveur puis à bourreau), mais une chose demeure : les partenaires de jeu y vivent des pertes et ne peuvent déployer pleinement leurs forces et leurs talents.

Voici un exemple de « jeu » qui a déchargé les batteries d’un gestionnaire que j’ai accompagné avant son retour au travail après une dépression majeure d’un an. C’était un sauveur, un vrai super-héros. Il s’occupait de régler les problèmes de ses employés. Il les prenait sur ses épaules. Il mettait de côté son besoin d’avoir du temps pour lui permettre de s’occuper d’aspects plus stratégiques. Comme il n’arrivait pas à assumer pleinement son rôle, il se sentait coupable (victime). Il voyait son patron comme un bourreau, car il avait toujours l’impression de ne pas être à la hauteur. Son patron ne lui avait pas fait d’évaluation de performance depuis trois ans, mais il n’osait pas lui en faire la demande clairement. Résultat ? Dépression majeure…

Vous reconnaissez sûrement une posture que vous jouez plus facilement (victime, bourreau ou sauveur. La bonne nouvelle, c’est que c’est une question d’habitude… relationnelle ! On a donc le pouvoir de changer les choses ! Il s’agit de développer de nouveaux réflexes.

 

II– COMMENT « DÉJOUER » SES HABITUDES ?
La question : comment sortir de ces jeux ? Voici ma proposition.
Tout d’abord, reconnaître le jeu qui se joue pour soi dans la relation. Ensuite, prendre du recul pour remettre en question ses certitudes, ses perceptions. N’ai-je vraiment aucun contrôle sur la situation (victime) ? Est-ce que j’impose des standards, des exigences trop élevés ou trop flous (persécuteur) ? Est-ce que je fais plus de 50 % du travail pour l’autre (sauveur) ? Bref, est-ce que « je prends mon bout, tout mon bout, mon juste bout » dans la relation actuellement ?

Pour continuer de migrer du triangle de Karpman (aussi appelé triangle dramatique) vers un bien-être relationnel, le triangle positif des 3P (permission, protection, puissance) est un outil fertile.

La puissance
Je pars du fait qu’en PUISSANCE je me sens en maîtrise, en équilibre, en harmonie. Quand je me sens en puissance dans mes relations, qu’est-ce qui se passe ? Que dois-je décider, maintenant, pour créer ou retrouver cette puissance dans la relation ?

Les permissions
Pour me propulser vers cette puissance, de quoi ai-je besoin ? Qu’est-ce que je m’autorise? Quels risques puis-je prendre ?

Exemples de permissions : oser dire non, oser demander, prendre du temps (le temps nécessaire), déplaire à certains, vivre pleinement selon ses valeurs…

Les protections
Quel filet de sécurité dans cette transformation vais-je me donner ? Quel soutien ai-je de mes collègues/de mon réseau/de mon patron/de l’organisation ?

Exemples de protections : informer quelqu’un de ma décision, demander un avis légal, bien documenter mon dossier, demander l’avis de mon patron, bien me préparer à une rencontre, etc.

L’enjeu est de délaisser les schémas répétitifs qui sont devenus des réflexes, des habitudes qui nous rassurent en même temps qu’ils sont nuisibles. L’objectif est d’aller vers des relations professionnelles satisfaisantes et empreintes de coresponsabilité.

 

CONCLUSION
Nous avons tous expérimenté, à un moment ou à un autre de notre carrière, des relations qui nous déstabilisent. Lorsque ce type de relation se répète, on peut soupçonner qu’il se joue quelque chose dont on est partie prenante. Karpman parle d’un triangle dramatique. À long terme, ce type de relation peut créer des ravages personnels et interpersonnels en entreprise. D’où l’intérêt de prendre du recul pour reconnaître qu’il y a un jeu, puis de renverser la vapeur en développant de nouveaux réflexes. Et qu’est-ce qui peut donner une erre d’aller, un élan initial à cette transformation ? Définir sa destination, soit son triangle positif des 3P (puissance, permission, protection), ce qui permet alors de rebondir vers une vie professionnelle riche de liens et de sens.

© Tous droits réservés. Ce texte a été créé et rédigé par Guylaine Carle, Psychologue organisationnelle. Si vous souhaitez le partager, nous vous demandons de le publier dans son intégralité et en totalité, en citant sa source.